Extrait de la préface du catalogue de l'exposition :
"Le style de Noël Pasquier est extrêmement fluide : des courants l'animent ; couleurs et formes s'affrontent, se rompent, se heurtent engendrant une vaste chorégraphie et un hymne où signes et couleurs se répondent. Saxo, Cantate, les polyptiques Gulf-Stream, Alizés ou encore Celtica et Grand Sud relèvent de cette rythmique.
Avec Pasquier, on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve, selon la formule d'Héraclite. Avec celui-ci Bachelard pense que l'être humain a le destin de l'eau qui coule.
Ce côté héraclitéen du temps qui s'écoule, on le retrouve aussi dans ce double triptyque de 1993, La route, pour exprimer la vitesse et le mouvement.
Les autres éléments, la terre et le feu, nous les trouverons dans les séries se rapportant aux Twin Towers, aux volcans comme Vésuve, aux brûlures, Ombre rouge, et dans les Empreintes.
Pour structurer cette fluidité, le peintre utilise la rupture. Une pratique importante du collage (1) lui donne cette aisance que l'on trouve dans Bayadère, 1980, ou dans À fleur d'eau, 1994.
Cette dernière œuvre est un quadriptyque très évocateur de ces paysages entre terre et mer où les quatre parties sont rythmées par un balayage de larges traits noirs animant des surfaces colorées bleues et beiges. A fleur d'eau, un lieu d'enfance qui permet à l'artiste, encore aujourd'hui de se ressourcer.
L'utilisation du collage et de l'assemblage l'amène à une structure modulaire que l'on retrouve souvent dans les grands formats composés de plusieurs éléments qui se joignent ou se décalent. Ce goût pour la recherche est à la base de son éclectisme et de sa faculté d'assimiler les différents courants de l'abstraction du XXème siècle. Marcelin Pleynet dans sa préface Opera Aperta (2) souligne son étonnante familiarité avec l'histoire de l'art moderne et contemporain.
D'une sensibilité extrême, Noël Pasquier traduit comme un sismographe toutes sortes d'émotions, d'expériences face à des évènements dont il a pu être le témoin, comme le fait d'être présent à New York, le 11 septembre 2001, non loin des Twin Towers. Son exposition au Consulat de France en était la raison. Celle-ci a d'ailleurs eu lieu le surlendemain, à la date prévue. Fortement traumatisé, il s'arrête de peindre pendant plusieurs mois et ce n'est que plus tard, en 2002 et en 2003, qu'il crée la série présentée dans cette exposition.
Une série semi-figurative et matiériste où, à ses pigments favoris, il incorpore de la poussière et des débris recueillis au pied des tours. Ce sont souvent des petits formats carrés d’environ 50 cm de côté, suggérant des Twins fantomatiques et diversement colorées suivant la lumière du jour ou de la nuit (on aperçoit parfois le pont de Brooklyn), d'une tonalité évoluant entre des gris cendrés et des rouges intenses masqués par des nuages de cendre.
L'écriture de Pasquier
D'autres évènements, les marées noires successives qui ont entaché les côtes de l'Atlantique, ont été l'occasion de mettre au point de nouvelles techniques permettant de transcrire ce côté graphique des souillures sur les rochers, occasionnées par les boues de pétrole. Le peintre imagine un mélange de goudron, d'encre de chine, de laques diverses et d'huiles et crée ses séries d'Empreintes sur papier ou sur plastique qui sont de véritables gammes graphiques à base de taches et de traits.
Voici la description qu'il donne de sa technique : il provoque un premier jet spontané et original. Dès qu'il est suffisamment avancé, il le reporte sur un deuxième support vierge qu'il retouche (c'est presque toujours nécessaire), parfois même il reporte le premier sur un troisième support, ce qui l'amène à retravailler plus amplement cette troisième empreinte. Cette série n'est pas sans rappeler les expériences d'Henri Michaux, d'une tout autre nature sans doute, mais avec le même souci d'explorer des terres inconnues.
Une autre œuvre est aussi caractéristique de l'écriture de Noël Pasquier, c'est Mosaïc, 2002: une peinture sur papier de type modulaire, composée de petits carrés qui reprennent, en couleur, ces exercices déjà à l'œuvre dans les Empreintes. C'est un kaléidoscope de couleurs et de formes, à dominante bleue et rouge, un vaste Atelier au vocabulaire formel polymorphe. L'œuvre, comprenant deux toiles d’un mètre sur un mètre, peut être présentée en hauteur ou en largeur et les carrés sont interchangeables.
Antérieurement de semblables carrés, aux compositions émaillées sur verre - les « photosGRAPHISMES », brevetés par Pasquier - ont constitué la base de projections lumineuses sur de nombreux monuments comme par exemple la citadelle de Calvi, la façade de Radio-France ou au Grand Palais à Paris.
Etre citoyen autant qu'artiste, l'art dans la rue
Cette ouverture au monde, cette empathie à l'égard de la nature, du milieu environnant et des évènements s'est étendue aux habitants des quartiers des banlieues, notamment à la cité de Bas-Longchamps, à Bagneux (Hauts-de-Seine). Le couple Pasquier, Noël et Clotilde, est pressenti pour une commande originale, lors d’un chantier de rénovation du quartier au cours de l’été 1996 : peindre les huit cheminées d'aération cylindriques d'un supermarché avec la collaboration des jeunes de la cité. Au départ un atelier est ouvert à tous, mais quand vient l'heure de la réalisation un choix s'impose nécessairement, issu d'un vote collectif, "fierté des uns, tristesse des autres" souligne la critique de Télérama (3).
Ces cheminées-totems monumentales de couleurs vives où les adolescents ont aussi apposé leur signature ont, nous dit Noël Pasquier, allumé du moins chez certains d'entre eux une petite étincelle, un désir de continuer.
L'œuvre de Pasquier est très étendue, car il s'est illustré dans tous les domaines des arts plastiques, peinture, tapisserie, céramique, sculpture monumentale et de moyennes dimensions. Il a expérimenté toutes sortes de matériaux et réalisé de nombreuses commandes publiques.
La diversité de son œuvre la rend difficile à cerner dans sa totalité. S'il fallait seulement quelques mots pour la caractériser, c'est à cette poétique de la matière qui est fondamentale dans son œuvre qu'il faudrait recourir, à cette perméabilité à la nature et au monde, à cette faculté de toujours innover, d'aller là où on ne l'attend pas. En définitive c'est une peinture joyeuse, pleine de confiance dans la vie, dans la création et dans la liberté de l'artiste capable de sublimer les expériences les plus négatives.
Maryvonne Georget, avril 2009
Commissaire de l'exposition "Vents et marées, Goudrons et Cendres"
(1) En 2002, à Paris, il préside le jury du Salon International du Collage dont il est l'invité d'honneur.
(2) Marcelin Pleynet "Opera Aperta" in catalogue du Musée de la Monnaie, Paris, Exposition Passions Pasquier, points et contrepoints, 1998-99.
illustrations : "Tours de verre" mixte sur toile 55x46m 2004 et "Ombre rouge" mixte sur toile 65X54cm 2005
VERNISSAGE LE 11 JUILLET
EXPOSITION : 11 JUILLET - 4 OCTOBRE 2009